mercredi 13 août 2014

et de trois


Encore un peu de ma vie d'enfant. Sans nostalgie mais avec tendresse, j'aime me souvenir de ces moments simples et me dire que c'est Mon histoire. Pour moi ce sont les pépites qui font l'histoire d'une vie. C'est souvent ce que je pense quand je travaille sur les objets du passé que je rencontre quotidiennement. Ils ont fait partie d'une histoire de vie. Quand je me trouve face à des ossements humains, que mes collègues mesureront, examineront pour en faire des statistiques, je préfère penser à la personne qu'ils ont été. Ce n'est pas narkeo-politiquement correct, et il vaut mieux que je garde ces idées là pour moi, sous peine de me faire incendier par mes pairs...

Manique comme je te l’ai dit plusieurs fois, avait toujours peur qu’il nous arrive malheur. Elle était un peu trouillarde. Elle voulait nous protéger de tout. Elle croyait nous aider en nous parlant toujours des dangers que nous courions. Et il y avait un danger principal pour elle, c’était de nous laisser traverser une route seuls. Nous ne le faisions jamais et le jour où elle nous a autorisés à aller à la boulangerie seuls, fut à marquer d’une pierre rouge ou blanche.
Bien sûr, la boulangère nous connaissait très bien puisqu’elle nous connaissait depuis que nous étions bébés. Moi, elle m’appelait sylvinou, c’est là seule personne qui m’ait donné un surnom, parce qu’à la différence de carotte et lolotche, mon prénom était trop court pour être raccourci avec un surnom. Alors j’étais très fière qu’elle au moins ait trouvé un moyen de me surnommer en rallongeant mon prénom. Il m’est arrivé deux ou trois fois dans ma vie que quelqu’un m’appelle sylvinou, et chaque fois je pense à la boulangère de mon enfance avec tendresse.
Tu sais il y a des personnes que tu croises souvent quand tu es enfant, que tu vois tous les jours, et tu ne te demandes pas si tu les aimes ou pas, elles sont là. Et puis, un jour quand tu es plus grand, quelque chose te refait penser à elles et tu te rends compte que tu les aimais bien et qu’elles t’aimaient bien. Il y a pleins de petites histoires qui te reviennent.
Quand j’entends Sylvinou, je revois une photo de moi, assise dans le jardin de la boulangerie, je dois avoir deux ans et je crois que j’ai une petite robe blanche. Si tu farfouilles dans le coffret en bois où manique mettait les photos tu la retrouveras peut-être….
Quand j’entends Sylvinou, je repense au fils de la boulangère que je trouvais si beau…. Mais qui était beaucoup plus vieux que moi. Et puis je repense à la jolie jeune fille qui un jour avait fait son apparition derrière le comptoir de la boulagerie. Elle était très jolie et très très jeune. C’était la fiancée du fils de la boulangère, ils allaient se marier et elle allait bientôt avoir un bébé. Elle avait de jolis cheveux raides comme j’aurais voulu en avoir, et de grands yeux ronds que je trouvais très beaux. Je trouvais qu’ils allaient très bien ensemble car ils étaient beaux et jeunes tous les deux. Quand j’étais adolescente j’allais encore tous les jours chercher le pain, et elle, elle ne devait pas être sortie de l’adolescence depuis très longtemps. Alors, on bavardait un peu, et j’étais fière de lui parler comme à une grande sœur, même si elle ne s’en doutait pas.
Quand j’entends Sylvinou, je revois LE BOULANGER. Il ne sortait que très rarement du fournil. Je le revois avec son marcel tout blanc, son pantalon tout blanc aussi, et lui aussi était toujours tout blanc de farine. Il n’était pas très bavard et me faisait un peu peur.
Quand j’entends Sylvinou, je pense à la baguette sur plaque bien blanche que manique nous recommandait d’acheter, aux choux à la crème du dimanche, aux esquimaux à la fraise de l’été, et aux poches de bonbecks.
Quand j’entends Sylvinou, repense à une petite plaisanterie que nous faisions avec la jeune boulangère quand nous achetions des croissants. Un jour elle nous avait raconté que certaines personnes n’arrivaient pas à dire correctement « trois croissants ». pourtant ça ne nous apraissait pas très compliqué. Alors nous avions passé un grand moment de fou-rire à chercher des façons de dire trois croissants en se trompant : ta cassant, tro coissants, tois coissants… Et comme elle était à peine plus âgée que carotte et moi, elle s’amusait autant que nous.
Quand j’entends Sylvinou, je repense à un jour où très préssés d’aller acheter des bonbecks avec le meilleur pote de carotte, juan-lucas, nous avions pris un raccourci  en passant par le terrain de la forge et nous courrions tellement vite que juan-lucas a oublié de baisser la tête pour passer sous le barbelé de la cloture, et pof le barbelé s’est planté dans sa lèvre et la lui a déchirée. Je suis sûre qu’il a encore la cicatrice. Bien sûr à la suite de cet incident, manique ne voulait plus que nous passions par la forge, mais nous le faisions quand même en prenant soin qu’elle ne nous voit pas de sa fenêtre.
Puis, quand nous avions 14 ou 15 ans, l’été, nous profitions de nos expéditions à la boulangerie pour bien longer la route qui passe le long du fronton et regarder qui jouait à la pala. Souvent des jeunes de notre âge passaient la matinée à taper dans une balle. C’était souvent des jeunes qui étaient en vacances dans le village. Alors Carotte, lolotche et moi nous passions en « faisant nos belles », bien contentes de devoir aller à la boulangerie et même parfois d’avoir oublié un pain, ou de la farine et de devoir repartir.
Tu vois Zac, toutes ces personnes que tu vois souvent pendant ton enfance, je suis certaine que toi aussi plus tard, quand tu penseras à elles, des tas de souvenirs te reviendront. Et beaucoup d’émotion parce qu’ils sont toujours là dans un petit coin de ton cœur, il suffit de fouiller un peu et c'est là.

2 commentaires:

  1. Ils me font sourire tes souvenirs...heure-bleue...

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    1. Ca me ffait plaisir de les offrir et ça allège un peu l'ambiance...

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