vendredi 21 janvier 2011

MA PLUS BELLE HISTOIRE D'AMOUR... C'EST EUX

Un jour j'ai appris par une maman d'un petit garçon qui était  l'école avec ma gazelle, que la gentille enseignante de CP, l'avait traitée de menteuse. Elle s'était bien gardée de me le raconter. Il fallait dire où l'on était né. La gazelle dit Bordeaux. Et la maîtresse lui affirma que non. Mais la gazelle qui ne lâche jamais le morceau, s'entêta. Alors la maîtresse la traita de menteuse ce qui fit rire tous ses camarades. Alors j'ai écrit cette histoire de ma gazelle et de son frère. Depuis longtemps j'avais commencé de la mettre sur le papier et je la racontais quand la gazelle la réclamait. Alors je suis allée voir la maîtresse, je lui ai expliqué que ma fille ne mentait pas et que plutôt que de parler sans savoir, elle allait en guise d'excuse lire cette histoire à toute la classe. Ce fut fait.
 Par la suite, on m'a dit envoie à un éditeur. Et la ce fut mon aventure Flammarion, on prenait mon histoire et d'autres. Une bonne année d'échanges, comités de lecture et blablabla. Et puis je me suis fâchée car on voulais que de mon texte je fasse un résumé. J'ai donc dit merde à Flammarion.
Depuis, je le ressors de temps en temps.... Mais juste pour les amis.


Dans ma famille, nous sommes quatre. Mon père, ma mère, mon frère et moi. Ah oui, j’oubliais, il y a le chat et le poisson, ça fait donc six. Jusque là, rien de très original.



Mais dans notre famille, il y a quelque chose de différent. Personne ne ressemble à personne. Le chat ne ressemble pas au poisson, le poisson ne ressemble pas à mon frère, mon frère ne me ressemble pas, je ne ressemble pas à ma mère, et ma mère ne ressemble pas à mon père.



Le chat est noir comme du charbon et ses yeux sont verts. Le poisson est rouge comme un coquelicot et ses yeux sont noirs. Mon frère est plutôt de la couleur d’un grain de café grillé. Moi, j’ai la couleur d’un bâton de cannelle. Ma mère est le plus souvent blanche, sauf quand je dis des bêtises et qu’il y a du monde, alors là, elle devient aussi rouge que le poisson. Mon père est plutôt blanc l’hiver, et l’été il a presque la même couleur que moi.



Comment on a fait ça ? Je vous explique. On s’est adopté. Adopter, ça veut dire qu’on a d’abord vécu les uns sans les autres, et que dès qu’on s’est rencontré, on était tellement bien ensemble, qu’on ne s’est plus quitté. Adopter, ça veut dire que même si on est tous très différents les uns des autres, on peut s’aimer très fort.





Ca a commencé par mon papa et ma maman. Lorsqu’ils se sont rencontrés, papa a aimé que maman soit petite, bavarde et qu’elle ne lui obéisse pas toujours. Maman a aimé que papa aie de grands yeux marrons avec de longs cils, qu’il bouge et ronchonne sans arrêt, et qu’il soit si tendre. Alors, ils ont décidé de rester ensemble. Puis, ils ont pensé que ce serait bien d’avoir des enfants.



Mais il y avait un problème avec maman. Elle n’avait pas d’ovules, ces petits trucs qui lorsqu’ils rencontrent les spermatozoïdes du papa donnent un bébé au bout de neuf mois. Maman était très triste, papa la consolait, il voulait avoir l’air fort, mais il était très triste aussi. Il fallait trouver une solution à ce problème. Ce bébé qui ne voulait pas venir dans le ventre de maman, il ne fallait plus y penser.



Ce qui manquait à papa et maman c’était un enfant à aimer, et après tout, on peut aimer d’autres enfants que ceux que l’on a fabriqués. Et dans le monde, il y a des milliers d’enfants malheureux parce qu’ils n’ont plus de parents. La plupart du temps, ils vivent dans des sortes de pensions où ils ont été accueillis. On s’occupe d’eux, on les fait manger, jouer et on leur fait quelques câlins de temps en temps. Et ils grandissent ainsi sans parents. Mais ce qu’on sait, c’est qu’un enfant, ça a besoin d’un papa et d’une maman rien que pour lui, d’une maison avec ses jouets à lui. Un enfant a besoin d’une famille.





C’est vers ces enfants déjà fabriqués et qui ne demandent qu’à être aimés que papa et maman allaient se tourner. Alors ils ont écrit aux personnes qui leur trouvent des familles pour demander qu’on leur confie un bébé. Mais ce n’est pas si simple. Il a d’abord fallu qu’ils disent pourquoi ils voulaient accueillir un enfant, comment ils allaient l’élever, l’aider à grandir. Ca a duré longtemps, très longtemps…Ils ont du raconter leur histoire à des tas de personnes très différentes. Des personnes dont le métier comme par psy…puis une assistante sociale, comme ma tatie Lolo, est venue les voir, elle leur a posé des tas de questions. Papa, qui n’aimait pas beaucoup l’école quand il était petit, se sentait redevenir un élève et avait souvent peur de mal répondre. Maman, qui elle adorait l’école, voulait toujours répondre le mieux possible et elle parlait beaucoup, car elle voulait qu’on comprenne combien elle voulait cet enfant.



Un jour, papa et maman avaient enfin donné toutes les réponses et il ne restait plus qu’à attendre.





Ce fut long, très long…Mais ils gardaient l’espoir car ils étaient sûrs dans leur tête et dans leur cœur que cet enfant viendrait. Alors ils préparaient des tonnes et des tonnes d’amour pour quand il serait là.





Pendant ce temps, ailleurs, pas très loin, je suis née. Ma maman, celle qui m’avait eu dans son ventre, mon papa, celui avec qui elle m’avait fabriquée, ne pouvaient pas me garder. Mais ils m’aimaient très fort, puisque je suis née. Alors ils ont préféré que l’on me trouve un autre papa et une autre maman. Il paraît que comme ma maman adoptive, ma maman biologique était blanche. Mon papa, lui, était africain et noir. C’est pour ça que je suis métis.



En attendant d’être adoptée, je suis restée dans une pouponnière. Là, il y avait d’autres bébés comme moi. On dormait tous ensemble, on mangeait tous ensemble, et souvent on pleurait tous ensemble. Et puis, un jour, on m’a mise dans une chambre pour moi toute seule et on m’a dit au creux de l’oreille : « Tu as un papa et une maman. Ils vont bientôt venir te chercher ».





Le jour de notre rencontre, on m’avait bien habillée. J’étais installée sur mon transat lorsqu’ils sont entrés. Ils avaient des sourires immenses et de l’amour et des larmes plein les yeux. J’ai tout de suite compris qu’ils venaient pour moi, alors je me suis agitée tant que j’ai pu pour le leur montrer et j’ai souri moi aussi. C’est aussi ce jour-là que j’ai connu Misou mon nounours. C’est mon papa qui me l’a posé sur le cœur. C’était ça le bonheur pour eux et pour moi.





Aujourd’hui, j’ai six ans et demi. Je suis une grande fille toute fine, je n’arrête pas de bouger, de courir, je grimpe partout et j’ai, paraît-il, un sacré caractère.





Pendant six ans, j’ai eu mon papa et ma maman pour moi toute seule. Mais je rêvais d’avoir un petit frère ou une petite sœur comme mes copines de l’école. Papa et maman aussi le voulaient très fort. Cette fois-ci, on était trois à attendre. C’était long, très long… Et puis, un jour, on nous a téléphoné pour nous dire qu’un petit garçon nous attendait loin, très loin : au Mali. Maman et moi, nous avons pris un globe et elle m’a montré où était mon petit frère. Elle m’a expliqué que c’était un pays très pauvre, que là-bas les enfants ne mangeaient pas tous à leur faim et qu’ils n’étaient pas gâtés comme ici, même si leurs parents les aimaient très fort. Un de ces enfants allait devenir mon petit frère.





Le lendemain, je l’ai dit à tout le monde à mon école. Papa est parti tout seul chercher le petit frère. C’était long d’attendre…



Puis, un matin, mes mamies, mes papis et plein d’amis et ma copine Anouk sont venus et on est tous allé à l’aéroport. Et on a encore attendu…Maman était toute rouge et elle semblait très impatiente. Moi aussi j’étais impatiente, mais je n’étais pas rouge.





Quand papa est apparu avec le bébé dans les bras, encore une fois, tous avaient des sourires immenses et de l’amour et des larmes plein les yeux, sauf ma copine Anouk et moi. Le bébé, lui, avait de grands yeux tristes et fatigués, et il s’est aussitôt blotti contre maman. Il n’arrêtait pas de me regarder, et son premier sourire a été pour moi. J’ai tout de suite su que mon frère et moi on allait bien rigoler tous les deux.





Bien sûr, j’ai du apprendre à partager, à faire moins de bruit, à être un peu plus raisonnable qu’avant. C’est parfois dur d’être une grande sœur. Heureusement, l’amour d’un papa et d’une maman ne se divise pas par le nombre d’enfants, il se multiplie. Et ça, c’est très important.





En tout cas, dans notre faille différente où personne ne ressemble à personne, il y a encore de la place pour d’autres enfants. La seule chose pour laquelle maman ne se décide pas à faire de la place, c’est un chien. Et ça, c’est quand même très énervant…

2 commentaires:

  1. Quelle belle histoire .....Merci Méli .

    RépondreSupprimer
  2. Entre le sourire et les larmes qui montent... Ils ne savent pas ce qu'ils perdent chez Flammarion !

    RépondreSupprimer